Le Crohn et moi ...
Le Crohn et moi cohabitons maintenant depuis plus de 20 ans ...
Il fait partie de moi , même si aujourd'hui , la plupart du temps , je l'oublie !
C'est à l'adolescence que la première crise est apparue. J'avais 15 ans et j'étais en seconde générale. J'ai d'abord chopé la mononucléose infectieuse , aussi appelée " maladie du baiser " ...Celle-ci m'a énormément fatiguée et affaiblie , je n'ai pas pu aller au lycée pendant 3 ou 4 semaines , je dormais tout le temps...
Quelques semaines sont passées...Et je tombe malade. On me diagnostique alors une gastro ..Mais cette gastro persiste , les traitements n'y font rien , je continue de perdre du poids et le peu d'énergie qui me restait...
J'ai alors été hospitalisée pour passer des examens . Le gastro-entérologue voulait me faire passer une coloscopie et une fibroscopie sous anesthésie générale mais j'étais beaucoup trop faible. Il a dit à ma maman que si il m'endormait , je ne me réveillerai pas !
Il fallait , dans l'urgence , me faire reprendre des forces et endormir les symptômes. Le médecin m'a alors perfusée pour me réhydrater et m'a prescris de la cortisone.
C'est plus tard qu'on me fera passer les examens et qu'on m'apprendra que je fais des poussées de RCH ( recto-colite hémorragique ). Les symptômes ressemblent , en effet , à ceux d'une gastro , au début de la poussée ...
Dans mon cas , à chaque crise , il m'était impossible d'avaler quoique ce soit , pas même de l'eau , une moindre gorgée me provoquait des vomissements et mes intestins me martyrisaient. Je perdais (forcément) beaucoup de poids .Il m'ait arrivé de perdre jusqu'à 8 kilos en moins de deux semaines ( sachant qu'à la base je ne pesais que 48 kilos).
Les intestins s'auto-détruisent , c'est ce qu'on appelle une maladie auto-immune , sans raison (en tous cas on ne sait pas l'expliquer) le corps rejette ses propres organes. Je perdais des morceaux de côlon et beaucoup de sang . C'est à cette époque que j'ai compris l'expression :
" Se tordre de douleur "
Je ne pouvais plus marcher , monter quelques marches m'épuisait...Je n'avais plus aucune force physique.
Entre l'âge de 15 et 20 ans, j'ai été hospitalisée pour 5 grosses poussées de RCH qui me déshydrataient et m'affaiblissaient...J'ai testé plusieurs traitements immuno-suppresseurs mais les crises revenaient , de façon chronique . Seule la cortisone endormait la maladie , la cortisone ne guérit pas , elle cache simplement le mal.
Alors en pleine adolescence , le regard des autres est important ( encore plus je pense ) et quand on prend de la cortisone, ça se voit ! On grossit car elle augmente l'appétit , on devient bouffi , le visage gonflé malgré un régime draconien , pas facile de gérer ce nouveau physique ingrat.
J'aurais tellement préféré passer inaperçue ( sans avoir à entendre les remarques au lycée , dans le genre " Comment t'as grossi ! " ou " Pourquoi ton visage est gonflé ? ")
Je me suis souvent posée la question " Pourquoi moi ? " !!!
Pourquoi je n'étais pas comme les autres ? En internat de 18 à 20 ans , j'étais celle qui allait aux toilettes la nuit sur la pointe des pieds , j'étais celle qui avait d'horribles spasmes , qui prenait sa respiration et qui ne disait rien , celle qui ne mangeait pas comme les autres , celle qui prenait du Lexomil quand il n'y avait plus que ça pour stopper les crampes musculaires ( merci la cortisone ! )...J'étais aussi celle qui n'était plus drôle , celle qui dormait dès qu'elle pouvait ...Je dormais à l'infirmerie pendant certains cours et je venais pour " les contrôles " . Rester assise en classe était au dessus de mes forces. Je me présentais pour les contrôles pour éviter d'afficher des absences sur mon bulletin de notes. Je ne voulais pas inquiéter ma maman. Je lui cachais mon mal-être et ma souffrance. Elle se doutait bien que ça n'allait pas mais je ne voulais pas avouer !
J'avais honte de cette maladie , honte de ces symptômes , honte de mon physique ...honte d'être moins bien que les autres !
Et puis , je ne voulais pas avouer une nouvelle poussée , une nouvelle crise , car je connaissais trop bien la solution ...Il fallait alors augmenter la cortisone , cette saloperie de cortisone que je n'acceptais pas plus que la maladie.
Mais il arrivait toujours ce moment où ce n'était plus possible , où mon corps me disait STOP ! , où il fallait arrêter de se voiler la face et se faire soigner . Je me souviens d'un dimanche après-midi où ma maman faisait la sieste et je suis allée la supplier de m'emmener à l'hôpital , je n'en pouvais plus , je la voulais cette cortisone , je voulais qu'on m'endorme ...Mon corps avait trop mal.
Les poussées se sont ensuite espacées , je commençais à vivre (presque) normalement...La dernière hospitalisation a eu lieu en Mai 1998 , à peine le temps de me remettre que je partais vivre à Paris le mois suivant. J'avais 20 ans et j'avais trouvé du travail , je ne voulais pas passer à côté de cette opportunité. J'ai donc quitté le cocon breton pour un Paris complètement étranger à mes yeux. Ma maman n'était pas vraiment d'accord , elle aurait préféré que je me repose encore un peu , et puis , si j'avais pu trouver un job en Bretagne , ça l'aurait arrangée !
Installée sur Paris , ma vie a commencé , une vie avec cette putain de maladie que j'essayais d'oublier. A 20 ans , je n'acceptais toujours pas le fait de devoir me soigner , je gérais les symptômes à coups de smecta et immodium ...Il n'y a que mon chéri , que j'ai rencontré en 1999 qui m'a convaincue.
Il s'est vite rendu compte que j'avais un souci , il m'a fait prendre rendez-vous avec un spécialiste qui a décidé de me traiter par perfusions de Rémicade . Une demi-journée à l'hôpital tous les deux mois et je ne serai plus malade ...ça me paraissait miraculeux ! Rien n'avait jamais arrêté ma maladie ! Et ça a très bien fonctionné !!!
Depuis , je vis sans symptômes apparents ( ou presque ), en faisant attention à mon régime alimentaire. Plus tard , j'ai passé des examens et appris que ce n'était plus des poussées de RCH dont je souffrais mais la maladie de Crohn , la molécule de base s'étant transformée.
Je suis sérieuse désormais et suivie de près par les meilleurs professeurs en gastro-entérologie de Paris. Je dois passer une fibroscopie et une coloscopie tous les 2 ans pour confirmer que le Crohn dort toujours.
J'ai également été greffée d'un rein en 2007.
Depuis la transplantation , je dois prendre des anti-rejets toutes les douze heures. Ce traitement agit autant sur la greffe que sur le Crohn , j'ai donc pû arrêter les perfusions de Rémicade juste après l'opération.
Je ne fais plus de poussées de Crohn depuis des années ....Mais le traitement que je prends diminue énormément mes défenses immunitaires et je reste donc très sensible aux microbes autour de moi.
Le Crohn et moi ...nous cohabitons depuis plus de 20 ans !
Il fait partie de moi , de ma vie ...mais une vie passée ...douloureuse mais surtout passée !!!!
Je compte bien ne plus jamais me laisser mettre à terre par ce Crohn !!!!!
La roue a tourné ....au moins concernant cette putain de maladie !